Recettes  

Pâté chinois 101

Au Québec, y a-t-il un plat qui représente mieux le souper en famille que le pâté chinois ? Grâce au personnage de Thérèse, dans La Petite Vie, le trio « steak-blé d’Inde-patates » est ancré pour toujours dans notre mémoire.

Chaque famille possède sa recette de pâté chinois, mais le trio sacré reste toujours le même. Notre défi : vous donner une recette de base classique, indémodable, avec, en prime, un peu de chimie culinaire pour mieux le réussir.

De l'umami dans le pâté chinois?

Est-il possible de rendre l’étage viande encore plus savoureux ? Absolument, et ce, sans trop le dénaturer. Parmi notre liste de suggestions ci-dessous, plusieurs rendent la viande plus goûteuse par l’ajout d’un goût dit d’« umami », soit celui de la cinquième saveur. Umami est le terme japonais utilisé pour décrire la saveur donnée par le glutamate, la guanylate et l’inosinate, trois composés naturellement présents dans plusieurs aliments.

Déjà dans le pâté chinois, l’oignon, la pomme de terre et le bœuf sont des sources connues de ces molécules. Ce qui est fascinant, c’est que l’association d’aliments riches en umami donne un résultat plus savoureux que la somme de leurs parties. Autrement dit, il y aurait une synergie entre les ingrédients. Plus il y a d’aliments riches en umami dans une recette, plus le plat devient savoureux. Ainsi, en ajoutant un peu de champignons, de fond de veau, de sauce Worcestershire ou de sauce soya (des aliments tous riches en umami), le goût se trouve grandement amélioré. Et ce n’est peut-être pas le fruit du hasard si le ketchup aux tomates, un autre condiment riche en umami, est le compagnon idéal de notre plat national !

La "vraie" sauce soya

Pour avoir l’effet umami de la sauce soya dans le pâté chinois, il faut choisir une sauce qui a été fermentée. Pendant le procédé de fermentation, il se forme des centaines de composés aromatiques ainsi que les précurseurs du goût umami. Mais toutes les marques de sauces soya ne sont pas fabriquées par un processus de fermentation. Comment le savoir ? Simplement en lisant la liste des ingrédients. Dans une sauce de type fermentée, vous trouverez des fèves de soya, parfois du blé, ainsi que du sel. Les sauces à base de caramel, de protéines végétales hydrolysées et de sirop de maïs ne sont pas fermentées et n’ont pas la même complexité de goût.

Pour un pâté chinois encore meilleur

Au sein de l’équipe, plusieurs ont leurs astuces pour améliorer le pâté chinois, sans le dénaturer. On ne parle pas ici de changer le maïs pour des petits pois, mais vraiment de petits plus pour le rendre meilleur.

  • Étienne : « Ma mère ajoute toujours un peu de fromage râpé dans la purée de pommes de terre, comme du gruyère ou du parmesan. Ça donne plus de saveur. »
  • Ricardo : « Je mets parfois une boîte de crème de champignons concentrée dans la viande; ça la rend plus mouillée, plus moelleuse. »
  • Kareen : « Mon conjoint adore mettre du fond de veau dans la viande et le laisser réduire. La viande est vraiment plus goûteuse. »
  • Marie-Annick : « J’ajoute souvent des lentilles en conserve au bœuf haché cuit. Comme elles sont petites, elles ne paraissent presque pas et ajoutent une belle texture à la viande. »

Steak

Soyons honnête, l’étage viande du pâté chinois est souvent grisâtre et sans goût. Peut-on faire mieux ? Absolument, surtout en portant attention à la cuisson de la viande et des oignons. Et ce n’est pas compliqué : il s’agit simplement de bien faire brunir la viande et de caraméliser les oignons.

Ces deux termes, « brunir » et « caraméliser », sont souvent utilisés indistinctement, mais font pourtant référence à des réactions chimiques différentes. Le brunissement, aussi appelé réaction de Maillard, est une série de réactions chimiques qui se produit entre les protéines et les sucres de la viande, qui aboutit à la formation de nouveaux composés brunâtres au goût grillé. Pensez au goût d’un steak bien saisi en comparaison à celui d’une viande bouillie. Tout un monde de différence ! Les oignons, pour leur part, vont plutôt caraméliser. La caramélisation implique uniquement les sucres contenus dans un aliment. La dégradation de ces sucres au contact de la chaleur conduit elle aussi à de nouveaux composés brunâtres au riche goût de caramel.

Pour bien réussir l’étape du brunissement et de la caramélisation, il faut de la chaleur. Trois choses sont importantes : 1. utiliser une grande poêle bien chaude 2. ne pas surcharger la poêle avec trop de viande et d’oignon à la fois 3. ne pas remuer tant que la viande n’a pas commencé à colorer d’un côté. En procédant ainsi, toute l’eau qui s’échappe durant la cuisson pourra s’évaporer au fur et à mesure qu’elle est relâchée, au lieu de s’accumuler au fond de la poêle, où elle risquerait de faire bouillir la viande plutôt que la brunir. Finie la viande fade et grise, place à une viande dorée et savoureuse !

Blé d’Inde

Selon le sociologue de l’alimentation Jean-Pierre Lemasson, auteur du livre Le Mystère insondable du pâté chinois, c’est la présence de blé d’Inde qui a fait passer notre pâté chinois de simple copie de recettes existantes (pensons au shepherd’s pie des Anglais ou au hachis Parmentier des Français) à un plat véritablement nord-américain.

En effet, ce serait le blé d’Inde des autochtones qui exprimerait l’américanité du plat et, du même coup, l’identité de la société québécoise. Mais êtes-vous plutôt de type maïs en crème ou maïs en grains ?

Sachez que, malgré son nom, il n’y a pas de crème dans le maïs en crème. Il doit sa consistance épaisse et crémeuse à l’ajout d’amidon modifié, une sorte d’amidon qui résiste aux températures élevées utilisées pour la mise en conserve. Pour notre recette de base, nous avons choisi le maïs en crème parce qu’il aide à lier les couches viande et pommes de terre. Si vous doublez la recette de pâté chinois, nous vous suggérons un mélange moitié maïs en crème, moitié maïs en grain, pour une meilleure tenue. L’étage blé d’Inde peut aussi être préparé à partir de maïs congelé. Ce dernier a l’avantage de contenir beaucoup moins de sodium que le maïs en conserve, mais, en revanche, les grains sont moins tendres sous la dent.

Patates

L’étage des pommes de terre doit être lisse, onctueux et sans grumeaux. Les clés du succès se trouvent autant dans le choix de la pomme de terre que dans la manière de la piler.

Il existe plusieurs variétés de pommes de terre, dont certaines se défont plus facilement en purée que d’autres. Cela dépend de leur teneur en amidon et en eau, de la grosseur de leurs cellules, etc. Heureusement pour nous, les emballeurs indiquent de plus en plus les meilleures utilisations de chaque variété sur les sacs à l’aide d’icônes ou d’un tableau. Recherchez des pommes de terre recommandées pour la purée. Les meilleures variétés sont les pommes de terre brunes, de type Russet, ou encore les pommes de terre à chair jaune, comme la Yukon Gold. Une fois cuite, la chair de ces pommes de terre devient tendre et friable et risque moins de laisser des grumeaux dans la purée. De plus, puisque ces variétés contiennent un peu moins d’eau que les autres, elles absorbent aisément de généreuses quantités de lait et de beurre, sans devenir trop liquides. Comment les piler ? L’outil idéal est le presse-purée, puisqu’il écrase les pommes de terre de manière uniforme, sans possibilité de grumeaux. Sinon, le bon vieux pilon sera parfait, à condition que les pommes de terre soient bien cuites. Un petit coup de batteur électrique peut rendre la purée plus légère, mais il faut à tout prix éviter de trop la travailler, sinon elle transformera en véritable colle !

Christina Blais

Pour Christina Blais, vulgariser la chimie des aliments est simple comme de préparer une bonne omelette. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en nutrition, elle a enseigné les cours de «Science des aliments» et de «Salubrité alimentaire» au Département de nutrition de l'Université de Montréal pendant plus de 30 ans. Depuis 2001, elle présente le fruit de ses expériences avec Ricardo dans le cadre de l’émission de télé de celui-ci, sur les ondes de Ici Radio-Canada Télé. Les curieux peuvent lire ses chroniques Chimie alimentaire sur le site web de Ricardocuisine. Suivez-la aussi sur @Encuisineavecchristinablais sur Facebook.

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