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Romarin : l'herbe de Noël

Pendant longtemps associé aux traditions de Noël, le romarin a presque perdu sa place au début du siècle dernier. Mais il revient en force depuis quelques années. Il embaume la maison, aromatise les plats des fêtes et va même jusqu'à se déguiser… en sapin !

Son nom scientifique est charmant comme tout : rosée marine. Le romarin est originaire des collines caillouteuses du bord de la Méditerranée, et nul doute que la brise humide lui était salutaire. Les Anciens croyaient sans doute que le souffle de la mer lui donnait son parfum si particulier. Par contre, il est difficile de savoir pourquoi la rosée de mer a été associée à la fête de Noël durant des lunes. Considéré comme la plante de l'amour, de la fidélité et de l'amitié, le romarin était évidemment tout indiqué pour souligner l'événement. D'autant plus qu'il fleurit souvent l'automne et que la floraison peut persister plusieurs semaines.

Mon beau sapin… de romarin

La tradition s'est toutefois rompue au tournant des années 1900 et, peu à peu, le sapin et le poinsettia sont devenus synonymes de Noël. C'était évidemment sans compter sur l'imagination débordante des horticulteurs et sur leur sens inné du marketing. Si bien que, depuis une quinzaine d'années, le romarin fête à nouveau le temps de la Nativité avec nous. Situation étonnante, il s'est transformé en petit sapin de Noël, un sapin bien vivant, à odeur de… romarin. Décidément, notre imaginaire n'a rien à envier à celui des Anciens.

C'est à la fin des années 90 que Jean Raymond est tombé sous le charme de la plante de l'amitié. « J'avais découvert ce petit arbuste taillé en forme de sapin lors d'une foire commerciale aux États-Unis. J'ai été séduit, persuadé que la clientèle serait intéressée par cette nouveauté. »

M. Raymond, qui travaille alors pour la maison Provigo, met en vente le sapin en romarin dans les magasins de la chaîne. Il s'agit alors d'une première dans ce type de commerce chez nous. Le succès est immédiat. Aujourd'hui, le petit conifère en romarin est vendu un peu partout au Québec dans les supermarchés et les grandes surfaces, des plants produits surtout en Californie et, dans une moindre mesure, en Ontario.

Made in Québec

Quand il a quitté l'entreprise, il y a quelques années, pour devenir responsable des ventes en gros chez le serriste Rosaire Pion de Saint-Thomas-d'Aquin, près de Saint-Hyacinthe, Jean Raymond est resté fidèle au romarin. Depuis trois ans, on produit plusieurs milliers de sapins en romarin chez les Pion. « Contrairement à plusieurs endroits de la Californie où la plante est cultivée en champ avant d'être transplantée en pot et taillée pour le temps de Noël, nos romarins passent toute leur vie en serre, de la bouture jusqu'au produit final. Il faut les dorloter durant au moins huit mois avant la mise en vente et surtout les tailler souvent pour que le feuillage soit très dense et conserve sa forme conique. »

Si l'arbrisseau peut atteindre 1 m dans des conditions de culture normale, il faudra le tailler à six ou sept reprises pour lui donner sa forme de conifère et maintenir sa hauteur à environ 45 cm. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il n'est pas en fleurs lors de son apparition en étal au début de novembre. Par contre, le producteur met aussi en vente cette année un romarin qui n'est pas taillé, en forme de buisson, où l'on devrait découvrir quelques fleurs bleues.

Non seulement la culture en serre permet de produire une plante mieux adaptée à nos maisons, fait valoir M. Raymond, mais le contrôle des maladies et des insectes ravageurs est beaucoup plus facile, ce qui réduit à presque rien l'usage de pesticides. Les romarins Pion sont presque « bios », dit-il. Et comme ils sont en croissance continue, les nouvelles pousses sont très savoureuses pour la cuisine.

Entretien facile, mais…

Mais qu'ils soient québécois, ontariens ou américains, les sapins en romarin sont souvent malmenés par les consommateurs, et la plante meurt habituellement en quelques semaines. Les causes les plus fréquentes de mortalité sont la sécheresse et… la noyade. Pourtant, avec un minimum d'attention, il est possible de maintenir son sapin miniature en pleine forme durant des mois.

À la maison, on l'installe donc dans une pièce fraîche, près d'une fenêtre donnant sur l'est ou le sud-est, éloignée d'une source de chaleur. En dépit de la luminosité réduite de nos hivers, il poursuivra sa croissance. Il faut arroser seulement quand la surface du terreau est sèche. Les besoins en eau se vérifient habituellement en soupesant le pot. Si nécessaire, on peut même enlever la plante de son pot pour vérifier l'humidité du sol, une opération très facile. Il ne faut jamais laisser les racines dans l'eau, sinon c'est la noyade assurée. Et il ne manifeste aucun symptôme avant de passer de vie à trépas.

Le romarin en cuisine

En cuisine, le romarin est délicieux avec l'agneau, le porc, la dinde, les viandes sauvages et les légumes grillés. Comme son arôme est puissant, il ne faut pas en ajouter trop à la recette.

Pierre Gingras

Pierre Gingras parle d’horticulture, de chasse et de pêche comme si c’était une seconde nature. Cet ex-professeur d’écologie traite de fleurs, de plantes et de potager depuis plus de 30 ans dans différents médias, notamment au quotidien La Presse. Il discute de ses sujets de prédilections avec Ricardo durant l’émission quotidienne de celui-ci sur les ondes de Ici Radio-Canada Télé. Depuis 2001, il signe la page Du potager à la table dans le magazine Ricardo. Il est également l’auteur de l’ouvrage Les bulbes, publié aux Éditions de l’Homme.

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