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Mettez-y votre grain de sel

Certains passionnés collectionnent le sel comme d'autres, les assiettes. Je ne connais pas tous les sels du monde, mais j'en ai bien sept ou huit variétés dans mon garde-manger. J'assume ma folie du sel et, mieux encore, j'espère vous transmettre le plaisir qu'on en retire.

Avis aux hypocondriaques : la tendance est au sel. Ce n'est plus une question de savoir s'il y en a assez ou pas assez dans un plat, mais bien de savoir quelle variété et quelle couleur de sel utiliser pour mettre ce plat en valeur. Le sel semble être le nouveau sommet à découvrir. Et quel sommet ! Le chlorure de sodium sera partout.

Un condiment de base

À la fois l'alpha et l'oméga de la cuisine, le sel est beaucoup plus qu'un simple condiment. Il est en partie responsable de la civilisation dans laquelle nous vivons. Le sel est une nécessité aussi absolue que l'eau. Sans sel, niet la vie.

Pendant des milliers d'années, le sel a été l'un des seuls moyens pour conserver les aliments, particulière­ment la viande et le poisson, d'où son attrait si précieux. On était encore loin du prosciutto et du gravlax, considérés aujourd'hui comme des aliments de luxe.

Durant des siècles, le sel a joué pour la société le rôle que le pétrole tient présentement dans la nôtre. C'est, entre autres choses, parce qu'il fallait transporter le sel que ce dernier suscitait à la fois crainte et convoitise.

Étant indispensable à la vie courante, les producteurs en avaient fait un objet de spéculation, contrôlant les prix et l'approvi­sionnement. À l'exception des dernières générations, le sel était l'apanage du ou des plus forts. Ce caviar des condiments a poussé l'homme à se dépasser et à découvrir de nouveaux horizons. Il a créé richesse et pauvreté, stratégies politiques et commerciales.

Un aliment banal ?

Au fil des siècles, le sel a perdu de son influence grâce, entre autres choses, à de nouveaux moyens de conserver les aliments. Tout douce­ment, le sel est devenu un condiment quasi anodin. Les années 80 l'ont même transformé en véritable paria. Source d'hypertension, d'artériosclérose, de néphrites et autres épouvantails, le sel était à bannir.

Dieu merci ! On peut désormais voir le sel différemment ! Certains chefs le réhabilitent, en cuisinant avec toute une variété, du sel de mer au sel orangé hawaïen, en passant par la fleur de sel.

Lors de votre prochain shopping gourmet, arrêtez-vous devant le rayon du sel. Vous serez surpris du choix de plus en plus grand qui s'offre à vous.

Le sel se conserve dans un endroit frais et sec. Quelques grains de riz cru dans la salière l'aideront à ne pas durcir car le riz absorbe l'humidité.

Comment choisir cet indispensable de la cuisine ?

Le sel de table

Il existe deux types de sel : le sel gemme, qui vient majoritairement de mines apparues naturellement après le retrait de la mer, et le sel de mer, provenant de marais salants. Notre bon vieux sel de table et le gros sel à marinades proviennent de la première catégorie.

Pour l'extraire, on creuse des trous dans lesquels on injecte de l'eau. On chauffe cette eau saumurée pour qu'elle puisse s'évaporer. Le sel ainsi obtenu est blanc immaculé et débarrassé de toutes impuretés, ce qui lui fait perdre du même coup une partie de son charme. C'est le plus utilisé au Canada et le moins coûteux.

Si on se donne la peine de lire la liste des ingrédients du sel de table (hé oui ! il y a liste !), on peut voir que l'on y a ajouté de l'iode (c'est obligatoire pour contrer le goitre), du sucre (on se demande pourquoi) et du silicate de calcium (pour l'empêcher de prendre en pain). On l'utilise pour saler en cours de cuisson, pour l'eau des pâtes, pour faire ressortir la saveur sucrée dans les desserts et les pâtisseries. Bref, on l'utilise à toutes les sauces.

Le sel à marinades

Ce sel, dont les cristaux sont plus gros que ceux du sel de table, est idéal pour dégorger les légumes, faire des saumures, saler l'eau des pâtes et préparer les marinades. Dans ce dernier cas, on ne conseille pas d'utiliser le sel de table puisqu'il contient un antiagglomérant (silicate de calcium) qui pourrait brouiller la saumure des marinades.

Le sel de mer

Les marais salants sont des bassins où l'on emprisonne de l'eau de mer. Celle-ci s'évapore et le sel est ramassé à la pelle après avoir été mis en tas. Ce gros sel est habituellement de couleur grisâtre parce qu'il n'a pas été raffiné et qu'il a conservé ses sels minéraux. Sa couleur est aussi influencée par la composition du sol où il est recueilli. Le sel des marais salants est très humide et il est vendu dans des sacs de plastique. En ouvrant le sac, c'est un peu le terroir d'origine du sel qu'on peut humer. On le dénomme de plusieurs façons : sel de mer, sel des marais salants, sel gris de l'Atlantique, etc. Dans tous les cas, l'emballage indique l'origine et la composition du sel. C'est la façon la plus simple de s'y retrouver.

De tous les sels de mer, ce sont les sels français qui ont présentement la cote, notamment le sel de Guérande. Mais attention ! L'engouement est planétaire ! Les sels de mer sont de plus en plus divers sur nos marchés. Ils ont habituellement une saveur plus prononcée que le sel de table. Ils sont aussi plus coûteux, puisque plus chers à produire. On les réservera notamment pour le poisson et les fruits de mer ainsi que pour les cuissons en croûte de sel.

Le sel de mer orangé, noir…

Il y a trois ans, j'avais lu dans un magazine américain qu'on pouvait commander du sel Red Alaea hawaïen par la poste. Quel en est l'intérêt ? Il est de couleur terracotta. C'est avec l'excitation d'un enfant qui attend ses cadeaux de Noël que j'avais reçu mon sel directement d'Hawaï. Il est piquant sur la langue et fond à une vitesse incroyable. Il est issu des eaux cristallines du canal Kalohi, situé entre les îles Molokai et Lanai. C'est la glaise rouge hawaïenne qui lui confère cette présence minérale accrue et cette saveur concombre-noisette. C'est la fin du monde...

Et que dire du sel Black Lava du même pays ? Noir caviar, il est plus lent à fondre, plus marin en bouche. Comme des perles noires, il fait sensation lorsqu'il est saupoudré sur les fruits de mer. Heureusement, on a plus besoin de commander ces sels puisqu'on les trouve maintenant dans certaines épiceries fines.

La fleur de sel

Je vous gardais ce raffinement ultime pour la fin. En été, lorsque le vent cesse de souffler et avec la complicité du soleil, la fleur de sel se forme à la surface de l'eau du marais. Patiemment, les fines paillettes de sel sont cueillies à la main. Il suffit d'une brise pour faire disparaître la crème des sels au fond du bassin. Cette récolte est si fragile qu'on retrouve parfois le nom du saunier sur le contenant de sel. Ce travail de moine coûte donc plus cher.

La fleur de sel est comme une huile d'olive de très grande qualité. On ne cuisine pas avec la qualité suprême. La chaleur en détruirait la subtilité. On termine plutôt un plat en le parsemant de fins cristaux, comme on le ferait d'une giclée d'huile d'olive de qualité. Par respect pour le produit, je présente mes sels de qualité dans de petits récipients. Saupoudré avec les doigts, le sel devient un rituel.

Nouveauté : la fleur de sel aromatisée

Provenant de l'île de la Réunion, ces fleurs de sel ont la particularité d'être parfumées : au zeste de citron (pour poisson et légumes), à la vanille (pour homard et fruits de mer) et aux épices grillées (pour bœuf). Les parfums sont exquis. De la vraie gousse de vanille a été broyée et incorporée au sel. De plus, les petits contenants métalliques sont fort jolis. C'est chic et raffiné. Environ 12 $ (16 $ pour celui à la vanille) dans de nombreuses épiceries fines au Québec.

À Montréal : Les Douceurs du marché, Latina, Fouvrac; à Québec : J. A. Moisan. Pour connaître d'autres points de vente : Désirs de Provence, (450) 671-6861.

Ricardo

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