Recettes  

Ricardo et la cabane à sucre: une histoire d’amour

Si les gens s’excitent à l’idée de voir l’ombre de la marmotte à chaque début de février, ce n’est rien comparé à l’excitation que je ressens lorsque la sève commence à couler. C’est l’un des signes que la fin des journées froides approche et qu’on a survécu à un autre hiver! On savoure cette victoire en groupe en se rendant à la cabane à sucre avec enthousiasme. On pourrait même dire que c’est un pèlerinage annuel au Québec. On retourne à la cabane à sucre chaque printemps comme le saumon retourne à la rivière. Pour la survie de l’espèce, il faut y aller au moins une fois par an!

Ne pas rompre avec la tradition

Des fois, je suis prêt à tout risquer et à ne pas me payer une visite à la cabane du coin. Toutefois, une puissance supérieure en a décidé autrement. Mes filles sont catégoriques: la tradition, c’est la tradition. Pas le choix, on y va.

Le sirop d’érable coule dans les veines du bord de ma famille maternelle. Je suis même né durant la saison des sucres. Bébé, j’ai probablement été nourri à l’eau d’érable! J’ai dansé mon premier slow dans la cabane à sucre de mon grand-oncle Lionel. Aujourd’hui encore, je me précipite toujours vers le tronc évidé derrière la cabane pour être le premier à goûter à la tire d’érable encore chaude qui vient d’être versée sur la neige. 

La petite histoire

Ça ne date pas d’hier qu’on célèbre la saison des sucres. Les peuples autochtones entaillaient les érables pour leur sève légèrement sucrée et ont découvert par hasard qu’avec un peu d’eau et d’évaporation, ils pouvaient la transformer en sirop. 

Sans récipients en métal pour faire bouillir l’eau d’érable, le sucre d’érable n’a pu être fabriqué jusqu’à l’arrivée des colons français au 17e siècle. À l’aide des moyens techniques qu’ils ont apportés de leur France natale, ils démarrent la production de sucre d’érable sur le territoire.

Au 18e siècle, le sucre d’érable est plus populaire que le sirop. Cette popularité s’explique en partie par le manque de contenants hermétiques et de stérilisation. La situation est telle qu’elle a poussé les producteurs à transformer leur sirop en sucre afin de pouvoir le stocker et le revendre plus tard pour éviter les pertes. À leur tour, les agriculteurs y ont rapidement vu un moyen d’augmenter leurs revenus pendant les mois où rien ne pouvait être récolté, augmentant du même coup la popularité de la récolte de la sève d’érable. 

À mesure que la production a augmenté, les acériculteurs pénétraient de plus en plus profondément au cœur des forêts de la province. Les garçons plus âgés y construisaient des cabanes en bois contenant un poêle, une bouilloire géante et le strict nécessaire pour pouvoir manger et dormir. 

Alors, où se trouve la célébration dans tout ça? Lorsque les mères et les autres membres de la famille rejoignaient les producteurs aux cabanes! C’était l’occasion pour les familles de prendre une pause et de célébrer la fin du carême. Toutefois, n’oublions pas qu’ils n’étaient équipés que d’un poêle à bois pour cuisiner. Ils devaient donc être créatifs. Et cette créativité se voit encore aujourd’hui. Presque tout ce qui se trouve sur la table à la cabane à sucre est encore cuit dans une seule poêle: jambon, omelettes, oreilles de crisse, fèves au lard, même les grands-pères dans le sirop…

Le temps des sucres est probablement l’une des seules traditions culinaires qui se célèbrent au Canada et au Canada seulement.

La ruée vers l’érable

Depuis sa première commercialisation, le sirop d’érable a fait du chemin! On en profite désormais toute l’année et pas seulement sur nos crêpes. Chaque année, 133 millions de livres de sirop d’érable sont produits et transformés au Québec. Et ce ne sont pas les idées qui manquent pour le distribuer sous toutes les formes possibles: vinaigre, poivre, caramel, alcool de qualité, sucettes glacées, sachets de sucre… Les produits de l’érable sont maintenant vendus dans plus de 60 pays. Les exportations internationales de sirop sont quant à elles en constante augmentation et représentent une valeur d’environ 371 millions de dollars annuellement. Croisons les doigts pour que les changements climatiques ne détruisent pas cette belle industrie bien de chez nous. 

Trouver SA cabane à sucre, c’est comme chercher des champignons en forêt. Lorsqu’on trouve NOTRE cabane, on garde le secret pour nous. Personne ne veut que son paradis de l’oreille de crisse se transforme en centre commercial! Ce qui m’a le plus touché ces dernières années, c’est l’enthousiasme de toute une population pour cette tradition vieille de plusieurs centaines d’années. Voir des enfants, petits et grands, se ruer sur la tire avec le même enthousiasme que moi, il y a plusieurs années, me rassure pour l’avenir.

La gourmandise au bout des doigts !

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