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Purée de pommes de terre 101

Parfaitement lisse et onctueuse, avec un léger goût de beurre, la purée de pommes de terre est le plat « doudou » par excellence ! Un jour, un ami m'a confié qu'il craignait de préparer la purée de pommes de terre, car il ne savait jamais d'une fois à l'autre si elle ne tournerait pas en colle. Tiens, tiens, je crois que cela nous est tous déjà arrivé, sans savoir pourquoi ni comment. Ma mission : résoudre le mystère de la purée collante.

Pour comprendre pourquoi la purée peut ressembler à de la colle, il faut connaître un peu mieux la pomme de terre. Sa chair est composée de millions de petites cellules toutes attachées les unes aux autres par un ciment végétal.

Ces cellules contiennent de l'eau mais aussi des grains d'amidon. Retenez pour l'instant que l'amidon est à l'intérieur des cellules. Durant la cuisson, le ciment végétal ramollit, ce qui permet aux cellules de glisser les unes sur les autres (comme si le béton d'un mur de briques se transformait soudainement en Jell-O…). La pomme de terre devient alors plus tendre et apte à être mise en purée.

Jusque-là, tout est parfait. Vous sortez donc le pilon et vous vous mettez au boulot. Au début, lorsque vous travaillez la purée, elle est belle, mais plus vous pilez, plus elle semble devenir collante. Vous ajoutez alors du lait et pilez à nouveau, mais la colle se forme de plus belle. Qu'est-ce qui est arrivé ? En pilant, on sépare les cellules les unes des autres, ce qui donne la consistance de purée (le mur de brique qui s'écroule). Mais si on pile trop, les parois des cellules se brisent et celles-ci libèrent leur amidon dans la purée. Plus l'action mécanique du pilage est importante, plus il y aura d'amidon libéré. Traduction culinaire : ne prenez pas un robot pour mettre la pomme de terre en purée.

Des petits conseils

Quelle différence cela peut-il bien faire que l'amidon soit maintenant à l'extérieur plutôt qu'à l'intérieur des cellules ? Eh bien, c'est comme si vous ajoutiez de la fécule de maïs ou de la farine à votre purée de pommes de terre. Cela épaissit et lie tout ensemble car, lorsque les grains d'amidon sont dans un liquide chaud, ils gonflent et forment un gel. De la colle, quoi ! Alors, quoi faire pour éviter le désastre ? Voici une série de conseils.

Le choix de la pommes de terre

Il y a grosso modo deux types de pommes de terre : les « cireuses » et les « farineuses ». Chacune possède des caractéristiques et des utilisations culinaires. En règle générale, les pommes de terre farineuses sont plutôt longues et brunes. L'exemple classique est la Russet (aussi appelée la Idaho). Les pommes de terre vendues sous l'appellation « au four » sont aussi des pommes de terre farineuses. Leur chair est très tendre et friable, je dirais même « floconneuse » après la cuisson. Elles se défont facilement, ce qui en font un excellent choix pour la purée. Pas besoin de trop les travailler pour en faire une purée lisse, donc moins de chances que l'amidon sorte des cellules !

Les pommes de terre cireuses sont habituellement de forme arrondie, rouges ou brunes. Elles sont souvent vendues sous l'appellation « à bouillir ». Leur chair est fine, lisse et crémeuse (comme de la cire) qui ne se défait pas à la cuisson. C'est le choix idéal pour les salades, les pot-au-feu et les pommes de terre bouillies. Elles font aussi une très bonne purée, mais il faut faire davantage attention de ne pas trop les travailler. Quant à la pomme de terre à chair jaune « Yukon Gold », elle est reconnue pour faire une excellente purée.

La technique pour piler

Petit rappel : on veut seulement séparer les cellules, pas les casser, au risque de libérer leurs grains d'amidon dans la purée et la rendre collante ! Les outils idéaux sont le pilon ou le presse-purée. Le batteur électrique fait aussi l'affaire, mais il faut éviter de trop se laisser aller ! Mon truc à moi : j'écrase d'abord les pommes de terre avec un pilon, juste assez pour qu'il ne reste plus de gros morceaux, puis je passe un petit coup au batteur électrique, juste pour rendre la texture plus légère. Autres trucs : éviter l'excès de cuisson (les cellules seront moins endommagées), bien égoutter les pommes de terre et les laisser tiédir quelques minutes avant de les piler (il y a moins de risque de briser les cellules lorsqu'elles sont tièdes).

Le lait

Pour rendre la purée plus humide, il faut ajouter un liquide, habituellement du lait. Mais si c'est de l'humidité qu'on veut, pourquoi ne pas simplement utiliser de l'eau ? Il y a bien sûr la question de goût et de valeur nutritive, mais selon des chercheurs français, il est aussi possible que le lait contribue à la réussite même de la purée. En effet, le lait contient de grosses molécules de protéine (la caséine) qui s'insèrent parmi les grains d'amidon, les empêchant de trop gonfler et de lier la purée en une masse collante. Voilà une explication scientifique pour une pratique culinaire des plus répandues.

Christina Blais

Pour Christina Blais, vulgariser la chimie des aliments est simple comme de préparer une bonne omelette. Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en nutrition, elle a enseigné les cours de «Science des aliments» et de «Salubrité alimentaire» au Département de nutrition de l'Université de Montréal pendant plus de 30 ans. Depuis 2001, elle présente le fruit de ses expériences avec Ricardo dans le cadre de l’émission de télé de celui-ci, sur les ondes de Ici Radio-Canada Télé. Les curieux peuvent lire ses chroniques Chimie alimentaire sur le site web de Ricardocuisine. Suivez-la aussi sur @Encuisineavecchristinablais sur Facebook.

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